Donc cet article publié sur son blog hébergé par le BMJ (oui il a un peu plus la classe que moi, on fait ce qu'on peut...), m'a semblé très intéressant, et j'ai eu envie de la faire partager à la communauté non anglophone.
Voici le lien vers l'article original: http://blogs.bmj.com/bmj/2015/04/24/carlos-martins-overuse-of-medical-tests-a-new-health-risk-factor/
L'usage abusif des examens médicaux – Un nouveau facteur de risque pour la santé?
Un facteur de risque
est, entre autres, un aspect du mode de vie ou du comportement
personnel qui, sur la base d'observations épidémiologiques, est
connu pour être associé avec des problèmes de santé que l'on
considère importants de prévenir. (1)
Un nouveau comportement
peut être observé dans la population générale des pays
occidentaux : la façon dont les patients utilisent les services
médicaux à des fins préventives et la fréquence à laquelle ils
passent des examens médicaux et autres dépistages. Les
observations montrent une tendance alarmante à l'usage excessif des
services de santé préventifs (2, 3). Au Portugal par exemple, une
récent étude de population croisée a montré que la majorité des
adultes portugais pensent qu'ils devraient faire des analyses de sang
et d'urine de routine de façon annuelle.
Une proportion importante
de la population pense même que d'autres tests, encore moins
recommandés sont nécessaires, tels que radiographie des poumons,
échographie mammaire, abdominale ou gynécologique.
Ce type de comportement
est en partie justifié par la croyance culturellement enracinée
qu'il est nécessaire de faire des "check-up" médicaux
réguliers. Réaliser des check-up médicaux réguliers est une
pratique qui n'est pas basée sur des preuves, car cela ne réduit
pas la mortalité ni la morbidité, ni dans l'ensemble ni
spécifiquement pour les maladies cardio-vasculaires ou cancéreuses,
alors qu'ils augmentent le nombre de nouveaux diagnostics (4).
Les campagnes de
"disease-mongering" [que l'on pourrait imparfaitement
traduire par "façonnage de maladies"-NDT], la plus grande
variété et disponibilité des tests médicaux, et la notion
répandue que plus de médecine est toujours mieux, sont d'autres
facteurs qui ont pu contribuer au développement de ce comportement.
Cependant, nous devons aussi considérer l'hypothèse que la
consultation médicale a évolué d'un modèle paternaliste à ce que
nous pourrions appeler un modèle consumériste. C'est le genre de
consultation où le patient obtient ce qu'il veut, ce qui est assez
différent du modèle idéal de "décision partagée".
Il y a de plus en plus
de preuves que ce comportement est associé à des dommages, et on
considère ces dommages comme devant être prévenus. Les faux
positifs, les incidentalomes, les sur-diagnostics, et la cascade
résultante de prises en charges sont autant de dommages qui peuvent
altérer significativement la qualité de vie de personnes en bonne
santé (5).
C'est pourquoi, par
définition, on pourrait considérer que nous sommes face à un
nouveau facteur de risque de santé: l'utilisation excessive et
inappropriée d'examens médicaux. Bien sûr, il y a une certaine
dose d'ironie dans cette constatation, puisque l'attribution
excessive de "facteurs de risques" à des personnes en
bonne santé a été une des principales causes de la transformation
de tant de gens en bonne santé en patients (6). Cependant, il est
fort probable que la plupart des gens ne savent pas qu'ils encourent
des risques quand ils se soumettent à des examens médicaux.
Concernant le domaine pharmaceutique, nous reconnaissons tous que les
patients sont conscients des possibilités d'effets indésirables de
chaque médicament. Mais, la plupart de nos patients n'ont jamais
entendu parler des effets indésirables d'un examen médical.
Certains patients ne prennent pas un nouveau médicament sans avoir
auparavant lu le Résumé des Caractéristiques du Produit décrit
sur la notice contenue dans la boîte. Ne serait-il pas temps
d'introduire des régulations aux examens médicaux et de créer un
Résumé des Caractéristiques de l'Examen? Cela pourrait être un
outil-clé de communication à ce sujet. Un outil correctement
structuré devrait employer un langage accessible à tous, mais pas
nécessairement aussi dense que le Résumé des Caractéristiques du
Produit. Ce document devrait inclure des paragraphes tels que
"Indications", "Dommages possibles", "Valeur
Prédictive selon la prévalence", "Nombre nécessaire de
dépister", et "Nombre nécessaire pour léser". Cette
suggestion mériterait d'être expérimentée. Cela aurait-il un
impact sur la façon dont les gens en bonne santé considèrent les
examens médicaux? C'est une question importante qui nécessite une
recherche appropriée.
Néanmoins, si nous
voulons prévenir le sur-diagnostic et d'autres dommages potentiels
liés à l'usage des examens médicaux excessif et non basé sur les données scientifiques
par les gens en bonne santé, nous devrions commencer à imaginer des
stratégies de communication pour expliquer à nos populations ce que
l'on entend par dommages potentiels, faux positifs, et sur-diagnostic.
Ce n'est qu'en comprenant le sens de ces concepts et en connaissant
la probabilité de retirer un bénéfice ou un dommage d'un examen,
que le patient sera capable de prendre une décision en coopération
avec son médecin, et en évitant un modèle consumériste de
l'utilisation des examens médicaux.
Références:
1) International Epidemiological Association. A dictionary of epidemiology 4th ed. Oxford University Press, 2001
2) Brotons C, Bulc M, Sammut MR, Sheehan M, Manuel da Silva Martins C, Björkelund C et al. Attitudes toward preventive services and lifestyle: the views of primary care patients in Europe. The EUROPREVIEW patient study. Fam Pract 2012; Suppl 1:i168-i176.
3) Martins C, Azevedo LF, Ribeiro O, Sa L, Santos P, Couto L, et al. A population-based nationwide cross sectional study on preventive health services utilization in Portugal— What services (and frequencies) are deemed necessary by patients? PLoS ONE 2013;8:e81256.
4) Krogsboll LT, Jorgensen KJ, Gronhoj Larsen C, Gotzsche PC. General health checks in adults for reducing morbidity and mortality from disease: Cochrane systematic review and metaanalysis. BMJ 2012;345:e7191
5) Welch HG. Overdiagnosed: making people sick in the pursuit of health. Beacon Press, 2011
6) Gervas J, Starfield B, Heath I. Is clinical prevention better than cure? Lancet 2008;372:1997–9
2) Brotons C, Bulc M, Sammut MR, Sheehan M, Manuel da Silva Martins C, Björkelund C et al. Attitudes toward preventive services and lifestyle: the views of primary care patients in Europe. The EUROPREVIEW patient study. Fam Pract 2012; Suppl 1:i168-i176.
3) Martins C, Azevedo LF, Ribeiro O, Sa L, Santos P, Couto L, et al. A population-based nationwide cross sectional study on preventive health services utilization in Portugal— What services (and frequencies) are deemed necessary by patients? PLoS ONE 2013;8:e81256.
4) Krogsboll LT, Jorgensen KJ, Gronhoj Larsen C, Gotzsche PC. General health checks in adults for reducing morbidity and mortality from disease: Cochrane systematic review and metaanalysis. BMJ 2012;345:e7191
5) Welch HG. Overdiagnosed: making people sick in the pursuit of health. Beacon Press, 2011
6) Gervas J, Starfield B, Heath I. Is clinical prevention better than cure? Lancet 2008;372:1997–9