Dire Non, ça a toujours été très difficile pour moi. Parce que j'aime que les gens m'aiment, et que j'ai horreur des conflits.
Je m'entraîne tous les jours avec mes marmots; mais aussi, avec les patients. Refuser une prescription, un certificat que je considère comme non justifié(e), j'y arrive de mieux en mieux, mais c'est difficile.
En gros, au début de mes stages en ambulatoire, les patients pouvaient obtenir plus ou moins ce qu'ils voulaient de moi, s'ils savaient un tant soit peu s'y prendre (mode agressif, mode enjôleur, mode plaintif...). Ça m'a d'ailleurs valu quelques remontages de bretelles justifiés par mes maîtres de stage. J'ai travaillé là-dessus. Je progresse. Je ne dirais pas qu'il ne m'arrive plus jamais de céder sur des demandes qui sont un peu limites, mais bon, ça va globalement mieux. Et surtout, j'arrive mieux à ne pas culpabiliser de ne pas dire Amen à toutes les demandes, et que parfois les patients repartent ou raccrochent non satisfaits.
C'est du boulot. Tous les jours, devant ma glace, je m'entraîne:
-NON, monsieur, je ne vous rajouterai pas à la fin du planning à 19h30 parce que vous avez mal à la gorge depuis 38 minutes. NON. Prenez un Paracétamol, et rappelez moi demain si vous avez encore mal (et encore...)
-NON, Madame, je ne vous préparerai pas un certificat pour faire un ultra-trail après-demain, alors que je ne vous ai jamais vue, pour que vous puissiez "passer le chercher". Vous prenez un rendez-vous, je vous examine. Hé oui. Vous partez dans une heure? Désolée, vous auriez dû vous en préoccuper plus tôt. Je n'y suis pour rien.
-NON, Monsieur, je ne prescrirai pas d'antibiotique à votre enfant qui tousse/a le nez qui coule. Parce que c'est VIRAL.
-NON, Madame, je ne prescris pas de "vitamines", ou un "petit remontant", parce que vous êtes fatiguée. Ça ne changera rien au fait que votre chef vous exploite, que vos enfants vous font suer, que ça va pas fort avec votre mari...
-NON, Monsieur, je ne vais pas vous mettre une semaine d'arrêt pour votre rhuminet, pour "que ça fasse jonction avec vos vacances".
-NON, Monsieur, vous n'êtes pas à 100% "pour tout". Le fait que vous ayez une gastro n'a rien à voir avec votre diabète/polyarthrite/cancerdelaprostate. On ne met pas TOUS les médicaments en haut de l'ordonnance.
-NON, Madame, je ne vous ferai pas un bon de transport "parce que vous y avez droit". La question n'est pas que vous y ayez droit, mais que vous en ayez BESOIN. Si ce n'est pas le cas, je ne le fais pas.
-NON, Madame, je ne fais de certificat médical pour l'absence scolaire de votre fils qui a une gastro. Ce n'est réglementairement pas obligatoire. Ce n'est pas de ma faute si le principal est obtus. (Oui, mais si vous le faites pas, on sera obligés de payer la cantine. Grrrmlblmlblllll!!!!)
-NON, Monsieur, je ne vous ferais pas un arrêt daté d'il y a 3 jours, parce que vous ne pouviez pas aller au travail à ce moment-là vu votre gastro. Qu'est-ce que j'en sais moi, que vous aviez une gastro il y a 3 jours? Vous êtes guéri maintenant. Qu'en sais-je que vous n'étiez pas au ski. Un arrêt de travail se date du jour de la consultation. Point.
Je pourrais continuer encore la liste. Ce ne sont que quelques exemples.
Ce n'est pas facile. Certaines personnes ont l'art et la manière de vous soutirer ce qu'elles veulent.
Heureusement avec la plupart des gens, expliquer pourquoi on dit non suffit.
Avec les autres, il faut tenir bon. Parfois j'y arrive. Quand il est 19:30 et que c'est mon 34e patient, et que j'ai juste envie d'en finir, j'avoue, je suis parfois faible...
Arf, la méchanceté naturelle, c'est un don que tout le monde n'a pas la chance d'avoir ;-)
RépondreSupprimerJ'ai regardé le Démon de la Connerie droit dans les yeux et lui ai dit : "Non, je ne publierai pas de commentaire débile."
Et puis j'ai été faible.